L’idée d’« économie humano-centrée » (que Robert Boyer appelle « anthropo-génétique ») part du constat que l’économie dans nos pays avancés repose de plus en plus sur un vaste ensemble de biens-services qui concernent directement et intimement les individus, leurs corps, leurs émotions, leurs cerveaux, et non plus seulement les objets formant l’environnement matériel : la santé, l’immense nébuleuse du bien-être, l’éducation, la culture, le divertissement, etc. La très forte croissance de cet ensemble est occultée par le fait que ces domaines sont très fortement socialisés, imbriqués dans les mécanismes financiers et normatifs de l’Etat social. Par ailleurs, cette croissance est indissociable des deux phénomènes majeurs que sont le vieillissement et l’extension considérable du « temps libre ». L’objet de la table-ronde est d’interroger les principales implications de ce changement profond, globalement sous-estimé. Faut-il encore considérer les domaines de la santé et de l’éducation comme des conditions externes de l’économie « vraiment productive », alors qu’ils sont désormais au cœur même de la création de valeur ? Quels sont les liens avec la bifurcation écologique ? Quelles sont les trajectoires possibles, entre la marchandisation générale par les plateformes et le développement de formes territorialisées, permettant le développement de métiers qualifiés de proximité ?

Pierre Veltz a développé l’idée d’économie humano-centrée dans « L’économie désirable », Seuil, 2021. Pierre Noël Giraud a analysé l’économie politique du temps libre dans « Du pain et des jeux », Odile Jacob, 2024